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Les clauses d'exclusion après la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2022

Activité de recherche
Les clauses d'exclusion après la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2022
Photo de la salle de l'IRDA
Le troisième rendez-vous de l'IRDA de l'année s'est tenu le lundi 27 mars 2023.

Dans le cadre des Rendez-vous de l’IRDA, Marie CAFFIN-MOI, Professeur à l’Université Paris Panthéon-Assas, est intervenue sur le thème suivant : « Retour sur le régime des clauses d’exclusion après la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2022 ».

Marie CAFFIN-MOI a débuté son intervention en rappelant le contexte dans lequel s’insère cette importante décision par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les articles L. 227-16 et L. 227-19 du Code de commerce. Elle a notamment évoqué l’influence que pourrait avoir cette décision sur les clauses d’exclusion dans les formes sociales autres que les SAS.

Ensuite, elle a présenté son analyse critique de la décision du Conseil constitutionnel et particulièrement de sa motivation, à la lumière du commentaire récemment livré par le Conseil constitutionnel de sa propre décision. Cette critique s’est articulée en cinq points, suivant les différents éléments de la décision. Le premier a consisté à éclairer puis discuter l’affirmation du Conseil constitutionnel suivant laquelle les dispositions critiquées ne constituaient pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dans la mesure où elles avaient « pour seul objet de permettre à une SAS d’exclure un associé en application d’une clause statutaire ». Le second point a eu trait, quant à lui, à l’invocation de l’intérêt général pour défendre les dispositions contestées en ce que celles-ci garantiraient la cohésion de l’actionnariat de la SAS et permettraient d’assurer la poursuite de son activité. Tout en doutant de l’efficacité des clauses d’exclusion à atteindre de ces objectifs, le professeur Marie CAFFIN-MOI a questionné la justification même de ces clauses par l’intérêt général, au regard de la jurisprudence traditionnelle du Conseil constitutionnel. Le troisième point abordé a été celui de la référence du Conseil constitutionnel aux garanties offertes par la jurisprudence de la Cour de cassation aux associés exclus (motif conforme à l’intérêt social, contrôle de l’exclusion abusive). Marie CAFFIN-MOI a exprimé ses doutes, en raison des incertitudes du droit positif et notamment de la jurisprudence récente qui tend à admettre l’exclusion pour juste motif dans des termes transposables à la SAS. Elle s’est ensuite montrée très critique sur le quatrième point : l’incise du Conseil constitutionnel suivant laquelle l’exclusion donne droit au rachat des actions à un prix de cession fixé en application des modalités prévues par les statuts ou, à défaut, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil. En effet, si une atteinte au droit de propriété ne peut être acceptée qu’à raison d’une juste et préalable indemnisation, Marie Caffin-Moi estime que les mécanismes énoncés de fixation du prix ne garantissent en rien le caractère équitable et juste de l’indemnisation de l’associé exclu. De même, sur le dernier point analysé suivant lequel la décision d’exclusion pourrait être contestée par l’associé devant le juge, Marie CAFFIN-MOI exprime sa surprise à plusieurs titres. Ainsi, le caractère abusif d’une exclusion n’a connu qu’un seul précédent jurisprudentiel dont on ne peut connaître les réels éléments. De même, l’abus de majorité dont pourrait se prévaloir l’associé pour contester, par exemple, la fixation du prix, apparaît être d’une maniabilité complexe. Elle note encore que l’admission de la validité des clauses d’éviction permet de diminuer aisément les hypothèses de contestation. En somme, la possibilité de contestation de l’associé exclu apparaît, en réalité, bien mince.

Enfin, Marie CAFFIN-MOI achève son propos sur l’avenir de cette décision et, plus précisément, sur les moyens d’en éviter les affres. Plusieurs propositions sont à ce titre évoquées. Ainsi, il serait possible d’espérer qu’un justiciable, à l’occasion d’un litige, soulève la question de la conventionnalité de l’article L. 227-19 du Code de commerce au regard de l’article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. À défaut, le recours à l’article 1836 du Code civil, prohibant l’augmentation des engagements de l’associé sans son accord, pourrait être utilisé afin de fonder une exigence d’unanimité quant à l’insertion ou à la modification d’une clause statutaire d’exclusion, dans les cas dans lesquels la clause d’exclusion ajouterait des engagements, ce qui ne représente pas – et de loin – la totalité des hypothèses. Il serait enfin possible, à prendre le Conseil constitutionnel au mot, de permettre à l’associé exclu de contester le prix de cession de ses titres soit en contestant les modalités fixées dans la clause statutaire elle-même, soit lors de sa mise en œuvre. Il reste qu’ici, comme l’indique Marie CAFFIN-MOI, il faudra faire preuve d’imagination afin qu’un tel contrôle émerge en droit positif.

Une fois cette présentation achevée, celle-ci a été suivie d’un débat animé et passionnant avec le public présent sur les aspects tant juridiques que politiques de cette décision du Conseil constitutionnel.

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Pour lire la décision du Conseil constitutionnel, cliquez ici.

Pour lire le commentaire de la décision par Marie CAFFIN-MOI, cliquez ici.